Dès mon enfance, dans les années
50, j'ai été,
instinctivement, attiré par les avions. Et ceux qui
passaient au-dessus de ma tête en Normandie me faisaient sortir en
courant de la maison. J'étais avide de tout savoir sur ces engins qui
survolaient la campagne dans un grand fracas. Je voulais tout connaître
des aviateurs que mon imagination peinait à visualiser.
C'était l'époque des bases américaines de Senonches et d'Evreux
d'où partaient les chasseurs et les bombardiers à réaction qui volaient
à très basse altitude provoquant dans les
poulaillers effarés des désordres emplumés mais aussi sur les vaches qui cabriolaient pour se réfugier
sous les grands chênes verts. La campagne de ma verte Normandie
vivait au rythme du bruit des réacteurs.
En ce temps là, quelque part en Afrique du Nord, dans un pays lointain
rempli de mystères exotiques bouillonnait dans une guerre qui
ne disait pas encore son nom, l'Algérie. Mais un lien m'unissait à ce pays, il
s'appelait Roger, mon oncle. Et quand il vint en permission, il nous
raconta les attaques des avions T6 qui mitraillaient les fellaghas.
Il savait décrire le vol de ces avions et leurs passage à basse
altitude. La télévision ne logeait pas encore dans notre maison. Elle
est arrivée bien plus tard. En noir et blanc. Cette guerre vivait dans
des postes à lampes grésilliants que l'on nommait T.S.F.
Tout en poursuivant mon rêve de caresser les nuages, je m'adonnais au
dessin sur le sol poussiéreux à l'aide d'un simple bâton de noisetier.
Je traçais des routes bordées de maison d'où sortaient des animaux
sortis de mon imaginaire. Un imaginaire qui ne m'a jamais quitté.
Je m'initiais également à la sculpture en triturant, des heures
durant, de la pâte à modeler que ma mère achetait au bazar de la ville.
J'étais né artiste.
Puis je suis devenu pilote d'avion et ma vie a été remplie de ces
deux quêtes de vie.